
Depuis septembre 2011, un petit groupe de musiciens de la région lyonnaise s’est réuni pour définir un projet de "Pratiques Artistiques en Actes - Laboratoire de Recherches" [PaaLabRes]. Des réunions mensuelles ont permis de définir un certain nombre d’actions de réflexion et de recherche en lien étroit avec nos pratiques, nos réalités, nos envies et nos utopies irréductibles. Le groupe a organisé en janvier 2012, à la Maison du Livre, de l’Image et du Son de Villeurbanne, trois journées inaugurales sous la forme de concerts, d’ateliers, de débats et de séances de travail centrées sur la présentation des travaux du groupe. Le présent texte tente de définir la nature et les objectifs de ce "laboratoire".
Depuis quelques années, le Centre National d’Etudes Spatiales invite des artistes. Tout a commencé par des liens littéraires, autour d’une revue, mais c’est avec les vols zéro G qu’une véritable collaboration s’est mise en place. Les vols zéro gravité sont des vols paraboliques effectués par un Airbus pour simuler l’apesanteur. En gros, un Airbus monte à huit ou neuf kilomètres d’altitude pour chuter quelques kilomètres et remettre les gaz avant de s’écraser en mer. La chute ne dure que quelques minutes, et pendant quelques secondes les conditions d’apesanteur sont réunies. Le but recherché est de permettre de réaliser des tests et des expériences scientifiques en apesanteur à un coût inférieur à celui de l’envoi de cette expérience dans une mission spatiale. Les expériences scientifiques ne sont pas toujours prêtes le jour du vol zéro G, et pourtant il s’agit d’en réaliser plusieurs au cours de la même série de vols. Un doute de dernière minute ou la nécessité d’une amélioration entraîne de nombreuses annulations, et il n’est que très rare qu’une autre équipe scientifique puisse prendre la place de façon inopinée. Face à cela, l’idée a été de remplir une liste d’attente avec des artistes, ceux-ci apparaissant plus aptes à faire leur expérience personnelle au pied levé. Les premiers furent des chorégraphes comme Kitsou Dubois, puis un auteur de théâtre comme Pierre Meunier. De fil en aiguille, un festival est venu compléter la revue, pour permettre de rendre compte publiquement de ces expériences artistiques.
On peut, comme R&C, présenter et défendre les pratiques expérimentales sonores en interrogeant des musiciens ou en décrivant leur travail, on peut vendre des disques par correspondance, on peut animer des émissions à la radio… Rien ne changera l'impact du concert. Nombreux sont les spectateurs néophytes venus au 102 – un espace qui accueille son public – qui ont vraiment vécu une révélation, qui ont découvert une autre approche du sonore, grâce au concert. Le 102 : 102, rue d'Alembert, à Grenoble. Trois chiffres pour nommer un espace alternatif enraciné dans un quartier, une rue… Et trente ans que ça dure.
Sorti en 2012, Les mots et les sons est une réécriture de thèse en science de l’art, soutenue à la Faculté d’Arts plastiques de Paris 1 Saint Charles en 2010. Peter Szendy, membre du jury de la soutenance, a encouragé ce travail d’écriture, et préfacé le livre. C’est donc une thèse d’esthétique, et non de philosophie comme on pourrait le croire à la lecture, tant les influences de Foucault, Deleuze, Lyotard paraissent fortes. Le titre même, Les mots et les sons, est un clin d’œil à Les mots et les choses de Michel Foucault (2), qui dans son livre procède à un détricotage d’un ordre du discours : le texte de François J. Bonnet, lui, détricote les puissances du discours qui ont pour objet le son.
Madame Morte et plusieurs autres compositions de Lionel Marchetti sont désormais disponibles sur la plateforme Echopolite.com
Ecoutes et lectures :
• The Who, Live at Hull 1970, 2xCD, Polydor
• Billy Cobham, Spectrum, CD, Atlantic
• Ranta/Lewis/Plank, Mu, 2xCD, Metaphon
• Iannis Xenakis, Metastasis, in "XXXXXXXXXXXX", CD, Chant du Monde
• Krzysztof Penderecki, Anaplasies, in "Matrix 5", CD, EMI
• Gloria Coates, String Quartet n°9, CD, Naxos
• György Ligeti, Ramifications, CD, Deutsche Grammophon
• Gérard Grisey, Les espaces acoustiques, 2xCD, Accord
• Karlheinz Stockhausen, Gruppen - Carré, CD, Stockhausen
• François Bayle, 50 ans d'acousmatique, 15xCD, Ina/GRM
• Frédéric Pattar/L'Instant Donné, Outlyer, CD, Césaré
• Yann Robin, Vulcano Art of Metal I, III, CD, Kairos
• Philippe Manoury, La musique du temps réel, livre, édition MF
• Jean-Claude Eloy, CD Hors Territoires :
Kâmakalâ, Etude III, Fluctuante-immuable
Chants pour l'autre moitié du ciel, I & II
Chants pour l'autre moitié du ciel, III & IV
• Claire Bergerault et Jean-Luc Guionnet, Mune, CD, Cathnor Recordings
• Chris Abrahams et Sabine Vogel, Kopfüberwelle, CD, absinthrecords
• Pietro Riparbelli, Three days of silence, CD, Gruenrekorder
• Jonas Kocher, Duos 2011, CD, flexionrecords
• Hans Koch et Gaudenz Badrutt, Social insects, CD, flexionrecords
• Insub Meta Orchestra, Archive #2, CD, Insubordinations
• Queixas, Eye of newt, CD, Insubordinations
• Abdul Moimême, Mekhaanu, CD, Insubordinations
• Borbetomagus, Trente belles années, CD, Agaric Records
• Phill Niblock, Working Title, livre, Les presses du Réel
• Talweg, Nos doubles errent, LP, up against the wall motherfuckers
• G.D.Z., The lurking fear, LP, Angström records
• Maussade, A la néantisation de la vie par l'homme rationnel, CD, Oral
• Bruno Duplant, slow breath, CD, b-boim records
• Wolfram, Atol Drone +/-, CD, bocian records
• Gintas K, slow, CD, Baskaru
• Jean-Claude Eloy, Etude IV..., 2xCD, Hors Territoires
• ..., Making the walls quake as if they were dilating with the secret knowledge of great powers, CD, Bôlt
Disque au titre autoréflexif s’il en est, Spiral Scratch, premier EP des Buzzcocks produit par Martin Hannett (alias Martin Zero), paraît le 29 janvier 1977 sur le propre label du groupe, New Hormones. Souvent considéré comme le premier disque autoproduit de l’histoire du punk, il est en tout cas, par son impact, celui où s’opère le glissement "décisif" du DIY au RIY (release it yourself), soit le passage d’une revendication à l’émancipation musicale à celle de son application économique – "It was easy, it was cheap/Go and do it »1, chantent la même année les Desperate Bicycles en conclusion de leur premier single, Smokescreen.
Vendredi 5 octobre 2012. Paris. Esther FERRER me reçoit chez elle, dans son appartement parisien près de Bastille. C'est son mari Tom Johnson qui m'accueille à la porte. Esther FERRER descend de son étage, et m'accueille avec un large sourire. Nous nous dirigeons vers le salon. La pièce est baignée par une profondeur qu'ont parfois les espaces véritablement habités. La conversation démarre rapidement, alors que je m'assieds sur le canapé pour feuilleter un catalogue édité à l'occasion de sa dernière exposition à Barcelone, dont elle revient tout juste. Au fil des pages, je découvre des travaux que je ne connaissais pas, notamment des maquettes, des dessins, de nombreuses archives photographiques de ZAJ, groupe emblématique créé en 1964 autour de Walter Marchetti et Juan Hidalgo, aux croisements de l'art conceptuel, de la performance et de la musique expérimentale, et avec lequel Esther FERRER a activement collaboré jusqu'à leur dissolution en 1993. L'influence de John Cage et d'une autre manière celle de Marcel Duchamp avaient été déterminantes dans la formation du groupe dont les performances soudainement déjouaient tous les protocoles. Les catalogues de la bibliothèque s'accumulent rapidement sur mes genoux avant même une première question. Sans perdre de vue la figure historique que j'avais devant moi, j'avais d'avantage envie de comprendre
comment se construisait aujourd'hui son travail et quelles interrogations demeuraient en suspend chez une artiste, qui sans jamais n'avoir voulu faire carrière dans l'art, avait finalement définit et autant marqué l'histoire de la performance depuis la fin des années 50.
Un échange de e-mails avec Dominique Grimaud. A essayer de parler, dans le précédant numéro de Revue & Corrigée (le #94, de décembre 2012), de musique et politique, ou du moins d'une des possibles tentatives, aujourd'hui, de marier les deux dans une attitude plus ou moins cohérente – celle suivie, avec son lot de questionnements et de fausses pistes, d'erreurs aussi, par Julien Ottavi et APO33 – je savais mettre les pieds dans un sujet complexe, une argumentation fragile : les deux domaines sont difficiles à concilier, ne serait-ce que par la différence fondamentale dans la façon de s'exprimer – la politique a besoin du verbe, d'exprimer clairement, tandis que la musique est essentiellement un art éloigné du dit, d'un vocabulaire clair, loin du désigné, de la parole, et même du langage. Autant dire que je m'attendais bien à ce que certains ne soient pas d'accord, trouvent l'argumentation faible, fausse, inopportune, à côté de la plaque ou exagérée. Ce à quoi je ne m'attendais pas en revanche, c'est à recevoir un "courrier des lecteurs" (bon, d'un seul lecteur, soit !).