ZIORI / SENS
On finirait par croire qu’une scène presque typiquement vocale émane des contrées de l’Europe centrale et orientale. Après Iva Bittova, Raduza, Evelyn Petrova et quelques autres, on retrouve en effet TARA FUKI pour un quatrième opus (en 10 ans) et une roumaine, Maria RADUCANU. Cette dernière s’est déjà fait un nom dans son pays (« Ziori » serait déjà son 9e album!), voire ailleurs, dans le cadre d’un nouveau jazz roumain et elle n’hésite pas à faire des incursions dans les musiques ethniques, qu’elles soient issues des Balkans ou d’autres tradi-
tions. Sa voix, au spectre particulièrement riche associe notamment à la tradition roumaine des aspects du fado, du blues tout en versant aussi dans l’improvisation. Toutefois, aussi séduisante que soit la voix, l’auditeur peut rester quelque peu sceptique : est-ce un manque de personnalisation de sa musique, est-ce dû à l’accompagnement instrumental parfois irritant (deux guitares, servies par Marc Ribot et Nicolai Adi Chiru) ? À vous de juger.
Après « Auras » paru il y a trois, et par ailleurs un enregistrement controversé pour ses dérives vers des contrées dans lesquelles TARA FUKI semblait perdre sinon son âme, tout au moins son originalité, le duo des violoncellistes tchèques revient à ses fondamentaux. Ici, point d’invités ni de propension à s’insérer dans un langage jazz édulcoré. Les dix pièces de ce recueil, entre écriture et improvisations ne mettent en scène que Dorota Barova et Andrea Konstankiewicz aux voix et aux violoncelles. Cela pourrait toutefois apparaître comme une relecture ou une copie des deux premiers enregistrements, s’il n’y avait une atmosphère différente. L’écriture y est plus variée, faisant appel à diverses techniques vocales ou de jeux instrumentaux, au service d’une musique moins méditative, voire mystique, qu’expressionniste. Une musique qui apparaît de plus en plus comme une osmose réussie et attrayante entre la musique contemporaine et les musiques traditionnelles, usant, outre les textes en majorité dus à Dorota Barova, ceux d’un poète polonais Krzysztof Kamil Baczynski (dont elles avaient déjà mis en musique l’un ou l’autre dans leur premier et deuxième opus).
PIERRE DURR