NARANJA HA / BARREL FIR / A VACANT LOT / ID.
Ce tir groupé de productions émanant du label de Vancouver confirme la vitalité de la scène canadienne du littoral pacifique, en particulier celle usant d’un espace culturel pluriel, l’Ironworks (studio, lieu de performances multi-artistiques…), d’où sont issus le DVD accompagnant la production du trio AEROPLANE et le Trio de Gordon GRDINA. En même temps, on y entend toujours les mêmes figures tutélaires, tels le violoniste Jesse Zubot, le trompettiste JP Carter, le batteur Skye Brooks… tous les trois émargeant par ailleurs à Fond of Tigers. C’est d’ailleurs à cette dernière formation que l’auditeur peut raisonnablement penser à l’écoute de « A Vacant Lot » des INHABITANTS, non pour le son – les combinaisons sonores d’un quartet trompette (JP Carter), guitare (Dave Sikula), basse (Pete Schmitt) et batterie (Skye Brooks) divergent de celles que procurent un septet avec un leader violoniste – mais pour la mise en œuvre d’une musique hybride entre rock et jazz, d’une musique entre fragilité et expressionnisme, entre des atmosphères mélancoliques et des sonorités plus agressives. L’AEROPLANE TRIO, où l’on retrouve le trompettiste et le batteur des INHABITANTS aux côtés du bassiste Russell Sholberg relève davantage de la musique improvisée, parfois minimale sinon réductionniste, parfois plus conventionnelle. JP Carter s’y affirme comme un trompettiste marquant, parfois proche du jeu d’Axel Dörner.
Jesse (ou Josuah) Zubot, quant à lui, maintient avec SUBTLE LIP CAN un lien avec d’autres scènes canadiennes plus à l’est puisqu’il officie dans ce trio avec les Montréalais Isaiah Ceccarelli, pianiste/percussionniste et Bernard Falaise, ici pour des improvisations souvent hargneuses, âpres, mais nuancées. Enfin Drip Audio donne aussi à découvrir un jeune guitariste, Gordon GRDINA, qui manie en outre l’oud. Son trio, guitare, basse (Tommy Babin), batterie (Kenton Loewen) y est renforcé par la présence d’un invité de marque (déjà présent sur un titre du dernier Fond of Tigers), le saxophoniste suédois Mats GUSTAFSSON. Il nous propose un jazz énergique, qui ouvrit le festival international de jazz de Vancouver en 2009, un jazz parfois funky et proche d’un Sonny Sharrock, dont les titres (« Burning Bright« , « Barrel Fire« ) illustrent parfaitement le dynamisme incendiaire. Seuls les passages à l’oud (dans « Enshakoota« ) offrent une assez longue respiration apaisante, de facture ethnique, avant que Mats Gustafsson enflamme à nouveau l’auditoire de l’Ironworks.
PIERRE DURR