SMOKING THE CONTRACTS
MANI NEUMEIER
ATAVISTIC ALP 198
Distribution : Orkhêstra
CD
L’intitulé de cet enregistrement évoque d’emblée deux images, dont l’une n’a pas de rapport direct avec la musique. Il s’agit de la bande (dessinée) à Spirou et le fameux De Mesmaeker qui n’arrive jamais à faire signer ses contrats. L’autre image fut véhiculée pendant plusieurs années (fin des années 70) par un label indépendant allemand, Schneeball, précédemment April, créé par un autre batteur krautrock, version jazzrock, à savoir Christian Burchard (du groupe Embryo) : après un procès intenté par CBS pour l’usage du nom d’April (alors aussi un sous-label américain de CBS) l’adoption du nouveau nom (boule de neige) était accompagnée d’une caricature d’un PDG d’une boîte, la CBI, prenant en pleine tronche une boule de neige…
Certes, cela n’a aucun rapport avec Mani NEUMEIER sinon que ce batteur actif de la scène allemande (remember GURU GURU) ne se contente pas de faire perdurer sa formation initiale (après avoir traficoté dans les années 60 dans le free jazz avec Irène Schweizer ou Peter Brötzmann, entre autres) conserve aussi l’imagerie libertaire de la contre culture de l’époque.
Et cette propension à la liberté est manifeste dans ses nouvelles collaborations. Outre ses enregistrements avec Makoto Kawabata (cf. chroniques en mai 2011), il s’acoquine avec un des guitares héros des musiques alternatives, l’Australien Oren Ambarchi, en duo comme lors d’un concert à Melbourne en février 2009, en quartet, toujours à Melbourne, mais dès 2007, avec le renfort du bassiste Edmondo Ammendola et un second guitariste, Brendon Walls. Deux sets puissants, qui se développent progressivement. Smoking the contracts, la pièce en quartet démarre sur un mode presque minimal, linéaire et sombre distillé par les guitares et la basse comme pour entraîner peu à peu les auditeurs, alors que Mani NEUMEIER manifeste déjà avec ses rythmiques nerveuses l’envie d’en découdre. L’ensemble s’étoffe ainsi pour devenir une machine vrombissante qui vous emmène vers une sorte d’extase sans vous l’asséner. Go ahead, Oren (Noumatrouff, Oren, dirait la météo mulhousienne) manifeste le même type de progression, mais la guitare, moins linéaire, opère à partir de petites cellules plus ou moins stridentes, des riffs qui se prolongent et tissent une toile sonore variée soutenue par les percussions, à la fois discrètes, retenues et pourtant fébriles du batteur.
PIERRE DURR