PRES SCORES
POLISH RADIO EXPERIMENTAL STUDIO
PRES SCORES
BÔLT BR ES006
Distribution : Metamkine
CD
Rester fidèle ou se réapproprier une partition ? Cela dépend à la fois de l’esprit de l’interprète mais aussi des possibilités techniques différentes lorsque plusieurs décennies se sont écoulées entre la création de l’œuvre, électroacoustique ou non, et son interprétation contemporaine.
La question se pose aussi pour les enregistrements de Zeitkratzer, dans sa série old school et le label polonais Bôlt est un peu coutumier de cette pratique.
Au départ de ces « Pres Scores », six œuvres de quatre compositeurs polonais, Andrzej Dobrowolski, Wlodzimierz Kotonski, Boguslaw Schaeffer et Krzysztof Penderecki, créées entre 1959 et 1971 dans les studios de la radio polonaise, œuvres électroacoustiques à partition. Bien sûr produites avec le matériel en usage alors, chacune s’individualisant cependant : si Music for Magnetic Tape and Piano Solo procède dès l’origine d’une stricte interprétation sur partition (par l’ingénieur de son Eugeniusz Rudnik et le pianiste – compositeur par ailleurs – Zygmunt Krauze), Aela de Kotonski est basée dès sa création sur l’aléatoire (le titre, anagramme d’alea, est explicite !) alors que Study for one Cymbal Stroke exploite les paramètres d’un seul son, Psalmus propose la transformation de l’expression (attaque, durée) des voyelles et consonnes prononcées par une voix masculine et une voix féminine. Quant à la Symphonic : electronic music de B.Schaeffer, pièce la plus longue, et quelque peu angoissante, elle est d’emblée écrite pour une performance réalisée par Bohdan Mazurek. Bref, en soi déjà le premier CD est un riche témoignage de l’œuvre créatrice d’un studio d’une radio. Et l’existence de partitions permet de reprendre ces œuvres, de les réinterpréter avec des techniques différentes, moins lourdes sans doute.
Cette réécriture, si elle est pour moitié dévolue à des musiciens polonais actuels, tels Arszyn, Kurek ou le trio Male Instrumenty, peut aussi échoir à d’autres. Ainsi Thomas Lehn reprend la Symphonic : electronic music de B.Schaeffer, Lionel Marchetti le Psalmus de Penderecki*, la laptopiste de Cologne Marion Wörle la pièce aléa(aela)toire. Si les sonorités d’ensemble du second CD ont bien évidement une empreinte contemporaine plus affirmée, certaines pratiques aseptisent la rugosité, voire l’agressivité sonore des pratiques d’il y a cinquante ans. C’est particulièrement le cas pour Thomas Lehn, dans sa reprise de la pièce de Boguslaw Schaeffer. De son côté, Lionel Marchetti insère le travail sur les voix proposé par Penderecki dans un continuum sonore plutôt minimal, voix qui n’apparaissent plus qu’en paramètre, parmi d’autres, d’une création personnelle… En même temps, comme semble le montrer l’interprétation de Music for magnetic Tape No 1 de Dobrowolski par Arszyn et Piotr Kurek, certaines propositions sont plus insidieuses et permettent à l’auditeur d’entrer progressivement dans un univers sonore qui pouvait apparaître rébarbatif dans sa première diffusion. Mais est-ce le but recherché ?
*pièce d’ailleurs reprise sur une autre production du label par John Tilbury…
PIERRE DURR