AUNT SALLY

PACIFIC 231 + LIEUTENANT CARAMEL

ALONE AT LAST AAL[5]

Distribution : Metamkine

CD

Une part de mystère m’accompagnera toujours à chaque nouveau disque de LIEUTENANT CARAMEL. Nous l’avons quitté sur une collaboration avec Bardoseneticcube. Il y était déjà question de voyage. Ici Philippe Blanchard et Pierre Jolivet ont fait route vers le Liban. Et ont ramené des enregistrements qu’ils ont échangés entre l’Irlande et la France. Ce mystère, et ce n’est que mon avis, je trouve que Philippe Blanchard, aka LIEUTENANT CARAMEL, le cultive dans le bon sens du terme. Un réseau propre pas forcément évident pour la musique qu’il pratique, souvent là où on ne l’attend pas. Personnage somme toute discret, ce qui ajoute donc une part supplémentaire de mystère. Car l’acousmatique qu’il développe se confronte régulièrement aux musiques industrielles et noise. Sur « Bagliore », une guitare se fait attaquer par des bandes tranchantes, aiguës et rebondissantes. Très électroniques parfois. Cette guitare provient surement de l’attirance de Pierre Jolivet pour les musiques post-industrielles, et de par sa collaboration avec entre autres Vox Poppuli ! Avec toutes les pincettes possibles qui n’engagent que moi, je parlerai presque d’acousmatique ludique. Peut-être, si encore en fallait-il un, le futur de l’acousmatique ? Bon je m’emballe surement. Néanmoins cet emballement nait de mes réactions à l’écoute de ce disque, qui a longtemps tourné à la maison tellement j’ai malheureusement trainé à en écrire ces quelques mots. Pour notre plus grand plaisir, ce disque aux quelques 70 minutes ne se pénètre pas si facilement. Ce qui le rend attachant bien évidemment. La voix qui parsème les pièces principales y contribue. Une voix lente, apaisée. Lecture quasi poétique assez imposante sur « Perhentian Kecil ». Une construction d’un univers très personnel, image d’un monde où le temps s’est arrêté. Toujours sur cette même pièce une sorte de métallophone aux relents des pionniers de l’electroacoustique dans sa captation, met sa pierre à l’édifice construit ici. Un rapport à l’image relaté jusqu’aux notes de pochette et cette citation de Pierre Schaeffer « Le bruit est le seul son parfaitement adéquat à l’image, car l’image ne peut montrer que des choses et le bruit est le langage des choses. » Ce qui résume assez bien ce que l’on entend ici. Et qui encore sur cette même pièce, me rappelle par son côté aride, le duo Xavier Charles/ Terrie Ex avec « Addis » sur Terp records. Les field-recordings collectés n’apparaissent dans leur forme habituelle, c’est à dire la restitution sans retouche et en diffusion, que sur « Angela Palnep Chu », avant dernière pièce du disque. Une musique rituelle coupée rapidement par cette diction italienne qui parsème ce « Aunt Sally », peut-être elle, cette voix justement, « La tante Sally » ? Encore une fois LIEUTENANT CARAMEL m’intrigue et c’est définitivement ce que je préfère chez lui. Ce très bon disque est sorti sur le label russe Alone At Last, et se présente dans un digipack sérigraphié assorti de 6 cartes postales photographiées sur place dont une, à l’image de la musique du duo, est pleine d’espoir avec ce tag « We dream of a greener Beirut »…

CYRILLE LANOË

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