VOYAGE À L’OMBRE
GHEDALIA TAZARTES
HINTERZIMMER RECORDS HINT18
Distribution : Metamkine
CD
Surement un des secrets les mieux gardés de notre scène underground française, est de temps à autres perçé ces dernières années. Le label suisse Hinterzimmer, après avoir sorti une excellente nouveauté en 2012 de Ghedalia TAZARTES, « Ante Mortem », a réédité en 2013 un de ces secrets. David Fenech a vu son disque « Grand huit » réédité (et évoqué dans notre numéro papier 95) par Gagarin. C’est quelque part lui faire encore honneur indirectement, de rééditer cette offrande faite par un fan, à ce Voyage à l’ombre, édité en 1997 sur son label, Demosaurus. Quelle chance pour moi de redécouvrir ce disque que je ne connaissais point. Et de continuer d’appréhender l’univers de l’artiste. J’ai pris le temps grâce au net d’écouter quelques interviews de Ghédalia. On découvre un Monsieur extraordinaire. Qui a (la clé de ce formidable univers ?) un certain recul sur son art discographique et scènique. Lui qui prend son temps et déclare ne pas courir après le fait d’absolument exprimer son art par le fait de sortir des disques. Plus à l’aise avec le thèâtre par exemple. Trop tard pour moi car je crois avoir déjà parler de lui de la sorte, il ne veut surtout pas que l’on parle de lui comme un poète. Mais alors comment définir autrement cet univers personnel, fait d’enregistrements lo-fi, de simples petites boucles sur lesquelles se pose une voix incroyable, avec une palette variée dans les tons, voire jusqu’au cri. Comment en parler autrement avec ce jeu particulier sur une invention d’un langage propre, de nouveaux dialectes pour faire un lien avec la chronique du Kassidat sur Dust to digital. La première partie du disque est assez exceptionnelle, dévoilant un tango imaginaire en préambule à des histoires, des musiques pouvant presque se prêter à des contes illustrés un peu destroy, toujours ce lien avec une histoire que tout le monde pourrait s’approprier, avec ses propres émotions. Un atout indéniable à son art. Alors cela n’engage que moi, mais je le vois même s’essayer à ce que fait de mieux la scène musicale française expressioniste, je veux parler d’Alain Bashung, et du superbe morceau Chanson d’automne. D’autres bijoux notamment à l’accordéon ne sont pas sans rappeler (comme souvent à bien d’autres moments sur ce disque) les De Kift. La pièce centrale, La grand mère, est tout simplement un sacré pied de nez aux musiques industrielles et cut up. Rare de le voir évoluer sur un morceau aussi long du haut de ses quinze généreuses minutes. On se laisse guider sur la dernière partie du disque vers des sonorités que je lui connaissais moins, celle de manipulations d’objets, notamment métalliques. Une touche donc plus musique concrête que sur ses quelques disques solo que j’ai eu l’occasion de découvrir ces derniers temps: Repas froid sur Pan, Ante Mortem sur Hinterzimmer et donc ce Voyage à l’ombre. Evidemment qu’on voyage…
CYRILLE LANOË