JOHN CAGE – SONG BOOKS / JOHN CAGE – COMPLETE SONG BOOKS
REINHOLD FRIEDL / RASHAD BECKER
JOHN CAGE – COMPLETE SONG BOOKS
KARLRECORDS KR029
Distribution : Metamkine
2XLP
ROBERT WORBY / GREGORY ROSE / LORE LIXENBERG
JOHN CAGE – SONG BOOKS
SUB ROSA SR344
Distribution : Quatermass
2CDS
A quatre années d’intervalles sont publiées deux réalisations exhaustives des Song Books de John Cage, oeuvre protéiforme consistant en 90 pièces (Solos for Voice 3-92) écrites en 1970 et dédiées aux chanteuses Cathy Berberian et Simone Rist qui les créeront à Paris la même année, pièces qui font suite à une série commencée en 1958 en tant que partie du Concert for Piano and Orchestra.
Séparées en quatre catégories pour voix seule, pour voix avec électroniques, théâtre et théâtre avec électroniques les partitions prennent divers aspects d’une richesse graphique impressionnante et mettent en jeu un grand éventail de situations. Pas moins de 317 pages écrites en seulement trois mois dans lesquels John Cage tente de relier Erik Satie à Henry David Thoreau, selon ses propres mots. Pas moins d’une cinquantaine de méthodes de composition ont été utilisées pour l’élaboration de ce monument, toutes bien sûr apparaissant des fameuses opérations de hasard utilisant le I-Ching. Certaines pièces ne sont pas forcément sonores mais purement théâtrales sous la forme d’indications que n’aurait pas reniées certains artistes Fluxus. On pourra évidemment regretter de ne pouvoir voir les pièces purement théâtrales ou celles qui nécessitent une mise en scène comme par exemple le Solo 35, basé sur la célèbre phrase de Thoreau « The best form of government is no government at all » et avant lequel l’interprète doit hisser le drapeau noir de l’anarchie…
Les deux approches ici présentées sont si différentes qu’il serait bien difficile de deviner qu’elles viennent d’un même corpus compositionnel. La première est portée par les chanteurs Lore Lixenberg et Gregory Rose et Robert Worby à l’électronique. Gardant trace d’une certaine expressivité et de techniques vocales repérées (le chant lyrique chez Lore Lixenberg par exemple), les trois interprètes proposent soit des pièces isolées, soit un mélange de plusieurs pièces superposées réduisant le nombre de plages à 22. Cette version semble fidèle aux souhaits de John Cage, ce que l’on peut deviner du fait qu’on y reconnaît quelques mélodies à la manière de Satie, même si celles-ci peuvent être dénaturées voire grandement perturbées par l’utilisation de l’électronique. On voyage d’une ambiance à l’autre, souvent calmement, parfois surpris par des contrastes soudain.
La version proposée par Reinhold Friedl et Rashad Becker sur un double-LP (j’écris cette chronique à l’écoute d’un double-CD pour la presse) est fort différente. Présentant les 92 solos (incluant donc les Solos for Voice 1 et 2) dans l’ordre et au pas de course, il s’agit là d’une joyeuse succession de très courtes pièces, toute réalisées dans une forme d’urgence donnant un résultat excitant et séduisant. Pas l’ombre d’un Erik Satie cependant comme si ce dernier avait définitivement disparu en ce début de XXIème siècle alors que la version précédente convoquait encore quelques bribes du XIXème et du XXème siècle…
Ces deux réalisations se complètent tout à fait, donnant deux visions radicalement différentes reliées toutefois par un sentiment de liberté formidable.
BAKU