CHIE MUKAI & YONJU MIYAOKA

SONG OF TREES

TALL GRASS RECORDS, CD, ETGD-002 – 2022

Chie Mukai apparaît sur la scène underground japonaise dès la fin des années 70, d’abord avec Marginal Consort, ensuite dans l’East Bionic Symphonia, qui réunissait d’anciens élèves de Takehisa Kosugi. Collectifs d’improvisation mêlant musiques traditionnelles, électro-acoustique, psychédélisme, improvisations radicales. Puis il y aura le groupe de psyché/folk Ché-Shizu, que produiront deux des labels cultes de l’underground japonaise : PSF et Alchemy Records. Sa rencontre avec Yonju Miyaoka, bien que récente, est déjà très prolifique, le duo s’accordant particulièrement bien, dans une même idée de la chanson et de l’improvisation. Miyaoka est d’une nouvelle génération (il est né en 1995), et était déjà impliqué dans plusieurs projets psyché-pop de Kyoto : Bunsurei, Shuko No Omit – jusqu’à sa rencontre avec Chie Mukai dans les clubs d’Osaka et Kyoto.
Song of Trees est un album de chansons flottantes, dans lequel la guitare acoustique de Miyaoka s’accorde au kyoku de l’égérie de l’underground nippone, s’unissant l’un à l’autre pour créer des structures fragiles, chantantes. On songe inévitablement à Ché-Shizu, ses chansons au bord de la dissonance, de la disharmonie, tout au moins à l’oreille occidentale. La musique ici n’a aucun lyrisme spectaculaire, ni affirmation autoritaire : tout semble toujours au seuil de l’effacement, du verre brisé, de la ritournelle enfantine. Le folk comme musique de partage, communautaire, lien social. On les imagine à la tombée du soir sous les cerisiers en fleur, leurs voix emportées comme les pétales flétris par le vent. Leurs voix s’emmêlent l’une à l’autre, souvent chantées en duo, derrière ce er-hu insistant, grinçant, qui pleure. Peut-être chantent-ils le mono-aware, cette mélancolie du présent, l’impermanence de toute chose, Mukai parfois au piano, à jouer ces gammes tristes et belles. Il y a une profonde mélancolie dans leur musique, peut-être est-elle la mienne. Notre rapport à la culture du Japon est tellement fait de lectures fausses, de clichés si légèrement utilisés… Mais je continue à vouloir rêver cette musique.
« Ce rêve léger/ D’une soirée de printemps/ Était mon secret/ Quand au son de mon koto/ Il s’évanouit au loin ». Akiko Osano, Cheveux emmêlés, Les Belles Lettres.

Michel HENRITZI

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