LIVE AT HIKONE SEIAI CHURCH

BANDCAMP – 2022

Enregistré dans une église dans la petite ville thermale de Hikone, en 2012, ce live réunit la figure solaire de Makoto Kawabata, leader du groupe Acid Mothers Temple, et l’accordéoniste lunaire À Qui Avec Gabriel qu’on avait entendue sur le label Tzadik. Elle s’est retirée de la scène depuis, Gabriel son accordéon est désormais silencieux. C’est un document d’une rare beauté que met en ligne Kawabata, continuant son travail d’archivage de ses performances et d’incunables introuvables. Aki et Makoto avaient déjà publié deux albums sur Bam Balam, celui-ci prend place à leurs côtés, mais ouvre sur une mélancolie encore plus profonde, que les autres ne faisaient qu’aborder. Si la guitare (et son jeu à l’archet) est aérienne, un vent tournant qui souffle et emporte, l’accordéon est terrien, s’enracine dans un monde qui s’efface, celui de l’époque Showa, évoque les ruelles de Golden Gai et de Ginza, ses musiciens de bar qui flirtaient avec la musique occidentale et la chanson… Trois longues plages qui s’étalent comme un rivage déserté, prises dans le ressac de vagues sonores, qui laissent derrière elles ce que les Japonais nomment le nagori (le reste des vagues) : une ritournelle fêlée. La voix d’Aki est une invitation à s’approcher d’elle, de sa mélodie susurrée, au plus près, à entendre l’intime comme vêtu des seules notes paresseuses de l’accordéon et de ce drapé de cordes frottées. Cette musique ne s’impose pas mais s’ouvre à l’imagination, à la mélancolie, et nous absorbe comme un buvard absorbe l’eau.

Michel HENRITZI