NANOOK OF THE NORTH
CHRISTINE OTT / TORSTEN BÖTTCHER
GIZEH RECORDS GZH93DP – 2019
CD
Nanouk l’esquimau, titre français de l’un des premiers documentaires de long-métrage, réalisé par Robert Flaherty en 1922. Et ressurgit bien sûr une autre musique, écrite il y a 40 ans par les Residents, Eskimo. Deux visions de la vie des Inuits : celle des Residents repose sur une série de photos qui ne furent publiées que plus de 20 ans plus tard (sur un DVD), alors que Nanook s’appuie sur le quotidien d’une famille précise, vivant sur la côte orientale de la baie d’Hudson, et surtout préoccupée par la recherche de nourriture… L’auditeur ne peut s’empêcher de faire la comparaison (et musicalement parlant, vient aussi à l’esprit Tunguska-Guska de Sainkho Namchilak, CD de 1992 évoquant une tempête de neige en Sibérie !). Moins hantée et surtout moins réaliste que celle des Américains, la musique proposée par Christine Ott (piano, toy piano, percussions, gong) et son partenaire Torsten Böttcher (hang, didgeridoo, kalimba) s’attache davantage à traduire la chaleur d’une cellule familiale, son humanité voire son optimisme face aux aléas de la vie, plutôt que d’insister – sinon par quelques allusions furtives au vent, à la neige par le jeu des percussions et du didgeridoo – sur les difficultés de l’existence dans le Grand nord. L’âpreté d’une vie austère est surtout traduite par le jeu minimaliste d’une pianiste dont l’approche est nourrie par sa pratique des ondes Martenot : « le fait d’être ondiste me fait jouer du piano différemment. Aux ondes, il y a cette touche d’expression incroyable qui permet d’avoir accès au son filé, un silence absolu qui installe le son très progressivement et qui crée un crescendo grâce à la seule maîtrise de la main gauche. Je cherche à reproduire cela au piano, et c’est ce qui crée un jeu différent »*. Ainsi donc, paradoxalement, sans connaissance du film et de son titre, l’auditeur pourrait associer à la musique proposée ici un espace, un environnement autre que ceux des hautes latitudes – ce qui témoigne de la capacité du duo à offrir une musique ouverte, presque méditative, que chacun peut percevoir de sa manière.
* Interview sur les ondes de France Culture, octobre 2019.
PIERRE DURR