ANTOINE CHESSEX /APARTMENT HOUSE / JEROME NOETINGER · JONAS KOCHER PLAYS CHRISTIAN KESTEN & STEFAN THUT
Deux chassés croisés. Deux paysages sonores distinctifs. Antoine CHESSEX à la composition, jouée par le groupe APARTMENT HOUSE et Jérôme NOETINGER, Christian KESTEN et Stefan THUT joués par Jonas KOCHER. Approches convergentes vers le minimalisme certain, aux pouvoirs différents, aux chemins parallèles, mais pas avec les mêmes armes. Longtemps que je ne m’étais pas surpris à entendre un ensemble accompagné d’un soliste sonner et résonner de la sorte. APARTMENT HOUSE est un ensemble emmené par Anton Lukoszevieze au violoncelle et grand interprète de compositeurs tels Cornelius Cardew, Chrstian Wolff ou encore Zbigniew Karkoswki. Un panel varié auquel il ajoute sa participation récente au Zeitkratzer. Antoine CHESSEX élève ici son interprétation des musiques électroacoustiques et improvisées, et fait encore preuve de sa générosité en offrant littéralement une sensible liberté dans l’action. La première pièce donne le ton et enveloppe le spectre sonore d’éclats de bandes et flashs de Jérôme, sur une composition soite linéaire à la base, mais aux strates parfois angoissantes, où chaque interprète possède son moment, pour s’inscrire dans cette improvisation nerveuse, précise, dans une gymnastique ondulante aux notes rapides. Avec cette formation en sextet, APARTMENT HOUSE laisse largement la place aux cordes et aux cuivres, tout en va-et-vient avec Jérôme en septième homme. Je ne vous ferai pas le coup cette fois des ressemblances à un tel ou une tel, tant la singularité musicale l’emporte. La deuxième pièce met en place un quartet face à Jérôme toujours. Un quatuor uniquement à cordes cette fois. Et qui glisse légèrement vers le drone, que pratique justement en longueur Jonas KOCHER dont on parlera ci-après. Des cordes tirées, poussées, parfois filtrées par le revox, dans un paysage aride, à 360°, et l’on reparle de gymnastique, dans une danse tonique d’archets qui frappent des fois. Le drone refait son apparition régulièrement, encore plus strident, plus imprévisible. Anton Lukoszevieze fut à l’honneur du numéro d’août du Wire dans la rubrique blindtest (« invisible jukebox » dans le texte). Pour ma part un disque qui fera date. Bruit est une structure suisse à la fois organisatrice d’événement interdisciplinaires, et productrice de disques, un peu à la manière de Mikrophon en Allemagne, et sur laquelle nous retrouvons régulièrement Jonas KOCHER. Christian KESTEN (allemagne) est un artiste et performer, mais aussi compositeur, qui navigue entre la musique et le théâtre. Il a écrit une pièce pour accordéon à Jonas KOCHER. J’aime beaucoup cette approche de l’instrument, que l’on oublie souvent, dans une alchimie entre le minimalisme d’Europe centrale et le presque rien japonais. L’environnement est aussi présent, on croit parfois entendre du bruit (pour ne pas faire de mauvais jeu de mot) d’ambiance, les craquements des touches. Un à-plat qui frise, une onde sinusoïdale froide et blanche. Le décor est planté. Stefan THUT est un violoncelliste suisse qui joue les musiques entre autres de Taku Unami (quand on parlait du japon), Radu Malfatti (quand on parlait minimalisme) ou encore Jürg Frey. Ici il a offert un espace fait de field recordings à Jonas KOCHER. Petite surprise, après ces premières vingt minutes linéaires. Une musique expectative, dans un enchevêtrement rythmé par des sons péri urbains, lointains, qui nous ramènent au quotidien.
CYRILLE LANOË