INFRA

SLEAZE ART – KASPER T. TOEPLITZ

BOCIAN

Distribution : Metamkine

CD

Paysage noir et blanc, lent et profond, c’est le retour de l’ensemble Sleaze Art de Kasper T. Toeplitz avec un nouveau line up : Toeplitz/Abecassis/Galiay/Hanak avec de nouvelles compositions du maestro, directeur artistique et pilote du projet. Composition assez classique dans le répertoire de Toeplitz, Infra (Bocian Records) propose une progression venant d’un rien et se déplaçant très graduellement vers une masse sonore en expansion, tendu et pleine. Si l’on ne peut distinguer les différents instruments, on commence à percevoir la résonance des cordes de basses vers une dizaine de minutes. Composés de micro-mouvements à l’intérieur des mouvements, se déplaçant par infinitude, les musiciens jouent au millimètre le déplacement tonales imperceptibles. Puis les saturations Toeplitziennes apparaissent vers les vingt-minutes, irrésistibles, presque (trop) attendues mais toujours bienvenue, confortables et entêtantes. Il faut se rendre compte à ce moment là que pour apprécier toute la juste valeur de cette composition monter le son devient nécessaire même dans un environnement d’écoute partagé. On plonge chez Toeplitz, l’immersion se veut totale, le bruit né des cendres d’infra-basse étiré, jamais pulsé, portant sur l’acuité des sens et les différents niveaux du sensible. Nous sommes ici dans un jeu d’archet, les instruments joués selon des techniques proches du violoncelle et de la contrebasse, probablement transformés par des ordinateurs, programmes informatiques construisant un traitement du son à travers disto, fuzz, delay, filtres et autre granulaire. Vers une trentaine de minutes (à noter le léger fortissimo vers 27min, est-ce joué live sans re-travaille en studio, possible quand on écoute la composition au complet) la composition change avec des mouvements beaucoup plus rapide, avec des allers-retours en volume plus abrupte, un prise de risque évidente, parti pris? On retourne vers un pianissimo marqué et l’apparition de ebow (archet électronique) avec des timbres plus électriques, des jeux plus droit-froid que sur la première partie de la composition. L’ensemble évolue sur une dizaine minutes dans une articulation sonore orientée basse et infra vers les médium, changement de registre mais pas pour longtemps puisque la composition retourne enfin vers les fréquences annoncés par le titre de la composition, les infra sans être complaisantes, non plus, elles restent saturés à souhait. Les mouvements sont de nouveaux rapidement exécutés se différenciant en cela de la musique dites drone, de plus le bruit provenant des saturations et les fuzz rendent les timbres plus complexes, au delà de la simple accumulation de fréquences ou de notes dans un maelstrom vrombissant. Tout se calme et redescend, vers les vingt dernières minutes, aussi lentement que cela est venu, fréquences infra-basses étirés, micro-mouvement.
Cette forme classique et assez attendu chez Toeplitz est toujours appréciable dans son immersion et cette fonction de déphasage avec la réalité vécue, une intrusion musicale qui vous tire vers l’intérieur. D’un point de vue formel sur l’ensemble de la musique de Toeplitz sur ces vingt dernières années, ce CD n’a rien d’exceptionnel dans son parcours, il pourrait même s’agir d’un peu de nostalgie de sa part envers une époque, notamment de ses premiers amours avec Sleaze Art. On pourrait s’attendre de sa part à ce qu’il y ait une forme de renouvellement, au delà du line up et du lifting compositionnel, par exemple sur sa position de compositeur dans l’ensemble ou du traitement des instruments et de la personnalité de chacun des interprètes (tous les musiciens ont leur propres parcours, se trouvent aussi entre improvisation, composition, interprétation), comment intégrer cela dans la composition et la construction d’un répertoire spécifique à cet ensemble?

ANDRÉ BAUGÉ

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