MATIÈRE FŒTALE / POISSONS FRAIS
Label français monté il y a un peu plus d’un an, Be coq (pour le nom d’un de ses créateurs, Coquelet) joue la couleur du jazz rock mais pas que. Les deux premières sorties sont d’ailleurs assez éloignées. Sans que son nom n’apparaisse sur la pochette, le site présente pourtant le disque du quartet ELIOGABAL et son album « Matière fœtale ». Je vais en reparler encore mais l’entame du disque me fait penser au David Ryan, « Sand », chroniqué dans notre numéro papier en cours. Un jazz-rock épuré, un peu sali, une guitare aérienne ultra présente. « Plaintes excuses » est en deux parties et nous emmène sur la deuxième dans ce qui va suivre tout au long du disque. Un jazz-rock plus jazz que rock. Lorsqu’il est rock sur les fins des trois premiers morceaux, je pense parfois à Prohibition et leur période avec Quentin Rollet. Lorsqu’il est jazz c’est toujours, à l’image de la guitare, assez aérien. Ça bascule même jazz-funk avec des titres qui m’ont moins accroché comme « 7 minutes 38 au sein d’un élevage de porcs ». Si l’énergie du début m’a en partie convaincu, mon attention se relâche sur les derniers titres un ton en dessous à mon goût. Le duo Quentin Biardeau et Valentin Ceccaldi, DURIO ZIBETHINUS m’affole nettement plus. Un duo de cordes, de percussions, de saxophones, d’électroniques un peu cheap, d’instruments jouets, qui enveloppe l’atmosphère de ce qu’il sait bien faire apparemment, un environnement acoustique dans l’attention, dans des micro-ondes pseudo (au bon sens du terme) contemporaines, dans de beaux silences. Dans de belles tensions, pendant que le sax farfouille avec minutie un souffle minimal. Cet ode à la « Carpe », dans le titre et jusque dans la pochette, est un titre fabuleux de 15 minutes environ, dans des sonorités me rappelant le duo Pa sur Drone Sweet Drone. Et se terminant, après une excellente intervention d’instruments jouets, dans un superbe jeu de cloches, et un autre lancinant au violoncelle très… profond. Les électroniques et les modulations de fréquences tapissent l’introduction de la deuxième pièce. Une électroacoustique stagnante, au doux parfum de musique traditionnelle un peu psyché. Le jazz, couleur du label il faut le dire, s’exprime sur « Gardon » au piano à lames quasi cagien asticotant un sax free railleur et plaintif (surtout sur la fin du morceau). On explore un peu plus sur « Silure-spatule esturgeon », avec un drone surement au casiotone qui vrille, des crissements de bandes suspendues, avec toujours cette petite touche « world ». Sans doute le meilleur moment du disque. Et ils nous montrent en toute fin qu’ils savent également faire parler les cordes sensibles. Dans une impro rythmique sans l’être, un peu sensuelle presque. Même si c’est le dernier titre, ce n’est pas ce que je retiendrai. Je retiendrai plutôt cette abondance de sonorités soignées, d’ambiances originales, et surtout cette première pièce. Le label ne s’est pas arrêté là et propose un projet qui me semble intéressant, Toys’r noise, et d’autres plus jazz rock comme Wing in Ground, qui comporte quelques bizarreries parfois proche de Sun Ra, et éventuellement détectable…
CYRILLE LANOË