KASSIDAT : RAW 45S FROM MOROCCO
COMPILATION
DUST TO DIGITAL DT-32
Distribution : Metamkine
LP/CD
Moi qui me passionne depuis quelques années pour les musiques folkloriques et primitives, je ne peux qu’être ravi de découvrir les sorties Dust To Digital, qui aux côtés de Mississipi Records, Sublime Frequencies ou Awesome Tapes from Africa, fait vivre les musiques populaires d’hier et d’aujourd’hui. Et nous permet, il faut l’avouer pour ma part, de faire le point sur la géopolitique mondiale par le biais de la culture des peuples. Fascinant donc à plusieurs lectures. Evidemment on découvre les dessous de ces musiques populaires, on en apprend les codes, les instruments, les rites.
Point de départ ici pour cette thématique plutôt courte (environ 35 minutes pour 6 titres), comparée aux coffrets ou livres/cd auxquels nous a habitué le label ; le dialecte, dans sa forme poétique et sous le terme Kassidat. Langue du peuple berbère, qui préfère se faire appeler les Imazighem, berbère voulant dire en grec ancien « barbare ». Malgré tout, l’on découvre presque autant de styles qu’il y a de titres. Sous la bannière du Chaabi, la musique de rue popularisée par Houcine Slaoui dans les années 40 en étant édité sur Pathé par exemple. Ce « Raw 45s from Morocco » couvre la période des années 60 à presque nos jours, celle d’après l’indépendance de 1956. Epoque à partir de laquelle de nombreux labels sont nés, principalement à Casablanca, tels que Koutoubiaphone ou Boussiphone. En publiant bien sur des… 45 tours. Parmi les autres peuples à l’honneur, découvrons les Rwais, un peuple du sud-ouest marocain. Autour des instruments lotar (petit banjo) et ribab (instrument en bois à une corde), autour du maitre de cérémonie, nommé Cheikh, dont le plus connu est Hadj Belaid, qui a accompagné le Sultan Mohamed à l’exposition coloniale de Paris en 1931. Les Rwais organisaient de longues performances incluant l’improvisation, la poèsie chantée, la comédie, la prise de parole et de la musique pour faire danser. Le deuxième titre de la compilation est consacré au Rais Haj Omar Wahrouch, dans un jeu d’appels et de réponses avec un groupe de danseuses, très gnawa dans l’esprit. L’envers du décor concerne aussi les emprisonnements dûs aux propos politiquement trop engagés, dont a pu être victime Haj Omar Wahrouch. Tant, entre autres, les souffrances des immigrés nourissent leurs paroles. L’influence du Raï voisin est bien palpable. Notamment sur le morceau d’Abdellah El Magana, de la ville d’Oujda. Un titre presque hip hop hypnotique au passage. Le gunbri, autour du luth et affilié au Gnawa, s’entend sur le superbe titre « Makh-Makh ». Une vraie complainte ondulante de toute beauté et terriblement moderne, jouée par Jmimi, Lekbir et Fatma Anounya. Du label Boussiphone je retiendrai principalement le morceau « Ha howa Ha howa » de Bennasser Oukhouya et Cheikha Hadda Ouakki, par l’instrumentation psychédélique au violon et à la percussion. Le tout finit en transe avec le Cheikh Mohammed Riffi sur Casaphone. Tout y est = rituel, folklore et engagement. Et il est vrai aussi que les notes de pochettes nous aident à en savoir un peu plus sur ces musiques que l’on croit connaitre, mais qui sont bien plus que du folklore. La compilation a été organisée par David Murray, agitateur d’un blog autour du 78 tours. S’étant fait ici aider entre autres par Tim Abdellah, dont je vous invite à découvrir son blog = http://moroccantapestash.blogspot.fr/
CYRILLE LANOË