CHAIR
Cette fois nous partons en Australie prendre des nouvelles du label Room40, à l’honneur indirectement dans notre revue papier en cours, avec l’interview de Robin Fox, habitué des lieux. Si l’on parle de Robin Fox, on pense aussi à Anthony Pateras, pianiste et compère régulier de Robin. SIMON JAMES PHILLIPS est donc pianiste, d’origine australienne et vivant à Berlin. Il a enregistré en église ce vinyle du nom de « Chair ». La chaise fait partie du pianiste, jouant assis dans notre vision occidentale de la chose. Et l’on revient à nouveau au piano, qui m’a accroché ou pas ces derniers temps si vous suivez les chroniques précédentes (notamment Marihiko Hara). Ce vinyle commence bien avec ses notes binaires répétitives sur les deux premières plages. Superpositions qui provoquent une légère transe appréciable. Pour moi les pièces centrales me posent un problème car il ne s’y passe pas grand chose. On comprend bien la volonté d’épurer les ambiances, dans une volonté de réductionnisme. Mais trop souvent cela ne fonctionne pas chez moi. Néanmoins des sursauts martelées comme sur la très belle quatrième pièce, m’interpellent. Amalgame de notes ténues sur d’autres moins affirmatives, plus en relief, plus courtes. Cinématographiques forcément. Et là on comprend mieux son univers. Si différent d’une pièce à l’autre. Ce qui me perturbe aussi. Les amateurs de sensations auditives relatives à un enregistrement in situ en église seront déçus. On en perçoit pas les sensations, et il faut le lire sur des critiques de collègues glanées sur le net notamment chez Monsieur Délire, plutôt emballé au passage, pour le savoir. Je le serai moins, emballé, car je reste dubitatif quant à son univers, n’allant pas très loin dans ses propositions et revenant souvent au point de départ certes appréciable, mais insuffisant pour créer des étincelles, ce que devrait provoquer un tel instrument à mon goût. Ceux d’Anthony Pateras ou encore John Tilbury sont évidemment d’une autre catégorie. Je sais malgré tout reconnaitre le parti pris de l’artiste, et je reconnais aussi l’exercice d’un solo. Juste j’aurais voulu que ça aille un peu plus loin mais ça, vous l’aurez compris. On change d’univers. Toujours un solo. Celui de RAFAEL ANTON IRISARRI, compositeur américain. Créateur de soundscapes très electronica, j’apprends qu’il a notamment sorti des disques chez Arbouse Recordings, un des labels français spécialistes de la chose. Et qui me ramène alors aussi au disque de Machinefabriek chroniqué par mes soins en janvier dans ces mêmes pages. Là il se passe quelque chose. Les premières nappes semblent gentilles, sauf que l’apparition d’une guitare proche parfois de Final (projet de Justin Broadrick) vient propulser ces paysages sonores ciselés dans la masse froide et vertigineuse, dans une atmosphère prenante. Une ambiant corsée comme un bon café. Paradoxal non ? Pas tant que ça. Cela résume assez bien ce que l’on écoute, une ambiant gonflée, proéminente, volubile. Qui a du corps et qui cultive ce paradoxe ambiant/masse musclée de très belle manière. Ce sur la très grosse première partie du disque. L’enthousiasme redescend un tant soit peu sur la deuxième, à mon grand dam. Néanmoins j’aime beaucoup cette masse sonore dans le volume et dans sa kynésique. Cette propension à se mouvoir d’une bien belle délicatesse, d’une justesse remarquable sur le superbe dernier titre « Lesser Than The Sum Of Its Parts ». Encore un paradoxe n’est-ce pas ? Je suis bien évidemment très agréablement surpris par ce disque.
CYRILLE LANOË