NANTES IS NOISE
COMPILATION
FIBRR NIN
Distribution : Metamkine
CD
Un slogan à l’esprit militant, « Nantes is noise » (j’y aurai bien mis un point d’exclamation moi), pour cette compilation sortie au début de l’exposition médiatique de la résistance au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Un militantisme à la sauce Apo33, quant à lui exposé dans l’article de Kasper T Toeplitz dans notre numéro papier 94. Comme pour faire écho aux propos reproduits dans cet article, quoi de plus approprié que de proposer une photographie, un état des lieux qui fait office de constat, d’une frange de l’activisme noise made in Nantes. Il y est énormément question de collectif dans les réflexions de Julien Ottavi tout au long de cet interview. Quoi de plus encore opportun de la jouer collectif justement, terme on ne peut plus sportif au moment même où j’écoute le morceau de Luc Kerléo, s’amusant électroacoustiquement d’un commentaire sportif radio ou télé; au travers d’un instantané de prises de parole par ces artistes qui touchent de près ou de loin à la nébuleuse Apo33. Dernier écho ou liaison avec la structure en question, Apo33 a créé un espace qui s’appelle Plateforme Intermedia Apo33/ La Fabrique. Après l’espace en dur, l’espace sonore fixé sur disque, si l’on considère une compilation comme une plateforme. Ce titre « Nantes is Noise », est pour moi plein de sens. Comment s’approprier un espace musicalement, dans l’environnement et l’architecture que représente la ville. Ou comment donner un sens à sa ville. On peut même aller plus loin historiquement parlant, car si la ville de Nantes est surtout connue pour sa pop (Dominique A/Little Rabbits…), elle a un lien avec le noise sous toutes ses formes. Nantes redevient d’ailleurs rock tendance noise US justement avec Fordamage (voir chronique sur notre site, rubrique juillet 2012), Papier Tigre, et toute une nouvelle scène garage émergente qui se produit au nouveau bar rock, Le Stakhanov. Le noise c’est aussi les activités de Câble, plus proche musicalement d’Apo33. Le noise chez Apo33 s’est développé à ses débuts dans l’organisation de concerts, que dis-je de tonne de concerts et faisait venir la crème de la noise planétaire (Storm & Stress, Flying Luttenbachers et autres) et a certainement dû marquer à l’époque toute cette nouvelle scène actuelle évoquée un peu plus haut. Entre deux concerts de rock noise chicagoan organisés par une autre asso nantaise du début des années 2000, (feu) P.A.M.
Je pense qu’il est nécessaire de faire ce point historique car cette compilation regroupe une grande parties des personnes qui ont contribué à cette organisation parfois un peu folle qu’était celle d’Apo33 à cette époque : Anthony Taillard, Formanex, Clinch ou Luc Kerléo entre autres. Nécessaire d’évoquer aussi le virage engagé par l’association il y a environ 5 ans, avec moultes activités de workshop, conférence, création multimédia et développement/tutorat autour des logiciels libres. Avec en filigrane quelques concerts ou festivals. Nous en venons donc à l’histoire de Fibrr. Label créé aux débuts de Formanex et au début des années 2000, et dont l’histoire est intrinsèquement intimement liée. Et réveille des souvenirs, car j’y ai pris part personnellement, comme par exemple au découpage, pliage et collage de la pochette sérigraphiée du premier disque autour de Treatise de Cornelius Cardew, toute une journée dans les locaux d’Extrapool à Nimègue/Hollande. On les retrouve d’ailleurs ici avec un extrait live de 2011 de cette même partition. Keith Rowe ouvre avec un minimalisme silencieux qu’on ne lui connait pas franchement. Anthony Taillard nous gratifie d’un titre drone « Organ », digne des expérimentations de Jim O’Rourke et je pèse mes mots . Jérôme Joy s’éclate dans une masse obsédante. Thomas Tilly nous emmène dans son field recording environnemental. Un état des lieux qui tient toutes ses promesses. Décidément j’adore cette ville.
CYRILLE LANOË