PNEUMA-R / NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER / STIG DAGERMAN
CHRISTIAN OLIVIER / PATRICK MÜLLER
NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER / STIG DAGERMAN
TRACE LABEL TRACE032
Distribution : Metamkine
CD
Et l’on reste dans la poésie sonore. Dans une expression moins art brut mais tout aussi dada et lettrisme dans le texte avec SEBASTIEN LESPINASSE, comparé à Damien Schultz dont on vient de parler. Le brut chez Damien est ce qu’il indique. Un micro, un corps, une voix. Ici la voix se mue dans un esprit plus plastique, et environnée dans une approche de l’installation et de la réverbération des sons vocaux, dans un travail sur l’acoustique et le placement des micros et haut-parleurs à ce que l’on voit sur une photo de cette pochette digipack en format DVD (comme les deux autres sorties du label chroniquées ci-après). SEBASTIEN LESPINASSE questionne le langage et ses phonèmes, l’articulation de syllabes et le développement d’une quasi improvisation à partir d’un mot, d’une ou plusieurs phrases comme sur « Pavlov’s Dog ». Une construction que l’on retrouvait déjà en ouverture du disque avec le bon moment « V’ivre », inventant sa propre linguistique. Confusion entre lecture, chant et performance sur les limites du throat singing, phonétique où l’on s’éloigne du texte et où le primitif reprend le dessus. Comme on pourrait l’entendre chez Paul Dutton ou Julien Blaine. Toutes ces confusions et articulations s’entrelacent entre pauses noise avec le « Megaphone Cri » et le throat singing qui s’essaie à la phonétique sur « Poem Amnesiq » ou le nerveux « Monstrum Linguae (pour Christian Prigent) ». Superbe suite, ma préférée du disque. Le côté musical du discours est dans cet assemblage de seize morceaux courts (format rock donc) et trois remixes par Jérôme Noetinger (avec un joli deuxième T dans le texte ?), Guillaume Loizillon et Patrick Müller. Une poésie qui se veut donc soudain concrète. Je pensais ne pas connaitre son travail mais je l’ai forcément entendu puisque sa discographie et ma discothèque comportent entre autres une apparition sur la compilation « Windpipe Moods » du label Mukow de 2004 (hautement recommandée). Définitivement ce sont essentiellement les parties les plus lues qui ne m’accrochent pas, mais dès que ça s’aventure un peu, son univers me convainc davantage. On passe de la poésie sonore à la lecture. Une lecture sous tension d’un texte de l’écrivain suédois Stig Dagerman, qui s’est surtout illustré dans les années 40. Plusieurs tentatives, que je n’ai jamais entendues, de mise en musique de son texte « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » ont été offertes par Denis Dufour pour l’INA-GRM à l’aube des années 90, ou encore les Têtes Raides au milieu des années 2000. Un texte philosophique et poétique sur la condition humaine. Où se plaçons-nous, quel sens donné à notre vie ? La vie, le temps, deux mots qui reviennent plus que systématiquement. Lecture énergique donnée par CHRISTIAN OLIVIER et mise en musique par PATRICK MÜLLER avec une apparition à la guitare de Laurent Saïet. Une façon de faire le point sur le côté plus que moderne et visionnaire du texte de Stig Dagerman. Une vingtaine de minutes denses comme le texte, flux d’electrosonic (comme est nommé le dispositif de PATRICK MÜLLER) en réponse au flux tendu de mots. Une vision désormais plus profonde qu’en font les trois artistes, qui apparaissent comme vivant le texte. Vous voyez, il y est toujours question de vie. Et même terminée, cette pièce résonne encore pour vous avoir envahi physiquement. Un léger faux semblant pour cette lecture proche de certaines de Serge Pey pour les amateurs.
CYRILLE LANOË