ELECTROACOUSTIC MUSIC VOLUME 03 / INTERNATIONAL NOISE MUSIC CONTEST « LUIGI RUSSOLO-ROSANNA MAGGIA »
COMPILATION
INTERNATIONAL NOISE MUSIC CONTEST « LUIGI RUSSOLO-ROSANNA MAGGIA »
STUDIO FORUM FORUM 2011
Distribution : Autodistribution
CD
Alors que l’association strasbourgeoise dirigée par Paul Clouvel propose son 3e enregistrement, et, comme à l’accoutumé, destiné à présenter la jeune création électroacousticienne (seul le français Frédéric Kahn commence à être un habitué de ce genre de compilations, telle Brûlures de Langues), le studio Forum d’Annecy, sous l’égide de la fondation Russolo/Maggia, publie un recueil offrant à l’écoute des afficionados les résultats du concours 2011, destiné aux créateurs de moins de 35 ans, et dévolu à un thème bien précis, les armes d’Eros. Eh oui, celui-ci n’officie pas qu’à l’arc…
Il n’est jamais aisé, à moins d’exhaustivité souvent superflue, d’évoquer des compilations dont chaque œuvre est un parcours unique et pas nécessairement représentatif de l’œuvre d’un auteur. Certes, l’idée d’un thème commun, comme c’est le cas pour la production du Studio Forum, en facilite l’approche, encore que l’auditeur puisse véhiculer ses propres fantasmes auditifs liés à la thématique…
Du point de vue de la composante formelle, la compilation d’Elektramusic semble tourner autour de trois pôles : il y a une affinité dans la restitution sonore des travaux d’Elsa Biston, de Frédéric Kahn, d’Adam Stansbie : des sonorités métalliques, en partie « granuleuses », une trame évolutive dans laquelle les sons s’interpénètrent. Les glissements peuvent être furtifs (c’est par exemple le cas dans « Pensées d’automne et Les pensées de la Terre » de Kahn), ou agir par vagues (« Fractions » du britannique Stansbie) avec plus (« Muance » de Biston) ou moins de luxuriance. « Black Arrow », la pièce de la Coréenne Sungji Hong, avait été présentée en juin 2010 lors du festival Champs Libres et offre aux auditeurs le travail interactif parfois décoiffant entre la clarinette basse et l’ordinateur. Les autres pièces, par l’adjonction de divers collages (extraits d’œuvres, des voix) et/ou d’instruments acoustiques diversifient davantage le spectre sonore, de manière plus ou moins originale, plus ou moins parlante pour chaque auditeur, et qui intègrent en elles des aspects plus festifs (à travers l’utilisation d’une œuvre d’Astor Piazzolla dans « La Voz del Fuelle » de la britannique Diana Salazar, par l’emprunt d’ambiances de fête et les sons d’une ville dans « Milonga.Stadt.Klang » de l’allemande Tatjana Böhme-Mehner.
Les diverses propositions faites au concours international Luigi Russolo-Rosanna Maggia en 2011 et retenues pour cet enregistrement émanent aussi bien d’Europe (Irlande, France, Espagne, Russie) que du Japon, du Canada et du Mexique. Les contributions sont loin d’être linéaires et apparaissent toutes comme des récits pleins d’aventures sonores, pas forcément reliées pour l’auditeur à son propre imaginaire de la thématique. On peut toutefois souligner que certains (par leur présentation, tel l’un des 2 premiers prix ex-aequo, l’Irlandais Donal Sarsfield, qui met sa pièce davantage en rapport avec l’amitié et les voyages, en lui donnant un nouveau titre, « Gallivanting » devient « Suitcases !). On peut aussi noter que certains sons de Georges Forget, l’autre 1er prix, pourraient s’apparenter au son sec de l’envoi d’une flèche et de sa trajectoire… Les deux seules contributions qui intègrent un aspect érotique, quoique furtif mais immédiatement identifiable sont dues aux deux mentionnées du jury que sont la japonaise Hayashi Kyohei et la française Cendrine Robelin, avec respectivement « Sonic Lady City » et « Un creux en dessous de ton nom ».
Pour ce qui est du classement et des prix, le jury semble ainsi davantage tenir compte du travail sonore opéré que du strict respect de la thématique. Et sans doute attend-on davantage l’art de la suggestion que celui de mettre crûment les pieds dans le plat ?
PIERRE DURR