MON POSSIBLE
DOMINIQUE PETITGAND
ICI D’AILLEURS IDA 069
Distribution : Metamkine
CD
On pourrait croire que le nouveau disque de Dominique Petitgand est à l’image des autres. Oui, pour sa forme, il est comme les autres, c’est vrai, pochette carrée, disque rond et sur le devant : une photo. Pour le reste, le contenu, c’est à un voyage puissant dans l’univers du sonore auquel nous sommes conviés. L’oreille écarquillée nous écoutons ce disque, qui tantôt éprouve notre résistance au récit, tantôt ravit nos oreilles ou encore nous plonge dans l’étrangeté d’un micro-drame. L’agencement et la maîtrise compositionnelle de ces miniatures relèvent du talent d’un grand cinéaste. La finesse et la profondeur des textes peuvent évoquer une écriture préalable, même si l’on devine qu’il n’en est rien. Ici, la volonté de ne pas vouloir raconter d’histoire directement, en propose cent, en creux. L’art de la relance, de l’agencement bruitiste, de l’essence mélodique est parfaitement maîtrisé. Une fenêtre mal fermée qui bat dans le vent, deux notes de violon, et une voix, notre écoute est rassasiée, une balance presque parfaite. Les guitares expressives aux formes molles, les frottements, froissements, cliquettements, les sons d’origine électrique, la tzouras piquante, ici, on ouvre, on ferme, pas complètement, on entrevoit, par la fenêtre, par la porte, par-dessus, par-dessous, par le trou de la serrure, par éclats, on entend, on écoute, tendu, habité par notre propre silence. Un silence qui s’imprègne comme un buvard, d’un coup pour l’essentiel, puis lentement pour le reste de sa surface, le papier aspire nos souvenirs, et comme par capillarité, il fait remonter notre mémoire. Ces voix qui crèvent les hauts parleurs nous donnent à voir. Des visages, des paysages, des situations dont l’aspect multiple nous tient toujours en écoute. On est capté par un récit, rassuré par une trame, surpris par un fragment, jeté par-dessus notre écoute, un peu bousculé, mais jamais abandonné. Et puis en arpentant ce chemin auditif, il arrive… le sentiment de plénitude, comme à l’écoute d’un album que l’on se repassait sans cesse, jusqu’à l’usure. Plus qu’un simple disque « Mon possible » est un objet sonore qui nous parle de notre écoute, qui nous place dans la position de « ce disque dont vous êtes le héros ». A la manière d’une madeleine dans laquelle on croque par petites bouchées entre un regard par la fenêtre observant les feuilles de l’arbre et un autre regard dans le vague absorbé par ses pensés, on commence à sentir l’histoire, on croit que l’on peut regrouper tout ça… et là, plus de ruban, plus d’images, c’est déjà fini ?
HERVÉ BIROLINI