KNIRSCH
WOLFGANG DAUNER’S ET CETERA
HGBS HG 20013
Distribution : Orkhêstra
CD
Du jazz-rock dans Revue & Corrigée ? Non, pas vraiment. En tous cas pas de cette sorte qui aura été défendue, par chez nous et dans les colonnes des magazines de jazz, dans les années soixantedix et bien après. D’ailleurs, l’histoire du jazz électrique influencé par le rock reste à écrire. C’est-à-dire celle qui inclurait notamment Miles Davis avec le guitariste Pete Cosey, le Tony Williams Lifetime dans sa version incluant Jack Bruce, Larry Young et John McLaughlin, le Mahavishnu Orchestra première mouture (accessoirement une influence revendiquée par le duo psychédélique Om aux côtés du « Spectrum » de Billy Cobham), les premiers Larry Coryell marqués par Jimi Hendrix, ou encore Soft Heap au sein duquel le future « réductionniste » Radu Malfatti fit une apparition. Afin d’écrire cette histoire, donc, on pourrait prendre comme point de départ la fameuse liste établie par Steven Stapleton incluse dans la pochette du premier opus de Nurse With Wound, dans laquelle on retrouve entre autres Secret Oyster, Association PC (le groupe du batteur Pierre Courbois) ou Min Bul (première formation du guitariste Terje Rypdal, annonciatrice dès la fin des années soixante de ce que fera par la suite Raoul Björkenheim poussé par Paal Nilssen-Love). Justement… : cette liste comprend ce que l’on appelle faute de mieux du krautrock, terme assez vague regroupant pour l’occasion, outre du psyché et du « planant« , du hard rock, du prog et du jazz-rock. Par exemple ET CETERA, formation du pianiste de jazz allemand Wolfgang DAUNER, et dont le line-up a évolué au fil du temps. Sur « Knirsch« , leur deuxième disque, officient deux rythmiciens (Fred Braceful, et John Hiseman, de Colosseum), le bassiste Günter Lenz, le bruiteur-chanteur Richard Ketterer et Larry Coryell. Même si les cinq morceaux réunis ici ne possèdent ni l’ambition ni la folie du fameux « Free Action » réalisé par le même DAUNER en compagnie de Gerd Dudek et Jean-Luc Ponty (un disque à propos duquel Julian Cope ne cesse de souligner combien il a marqué l’émergence de la scène psychédélique nippone des seventies), ceuxci n’en sont pas moins typiques des productions les plus émancipées dans le genre : certains Embryo par exemple, « Counterbalance » d’Heikki Sarmanto, « Wahoo! » d’Eero Koivistionen, les trois premiers Bob Downes ou l’album éponyme de Ray Russell avec The Running Man. Afin d’en savoir plus sur ET CETERA, l’on lira avec intérêt « Krautrock, Cosmic Rock And Its Legacy« . Et l’on n’oubliera pas non plus que le jazz, au cours de son électrification, a fini par croiser la route du funk débridé et de la no wave – citons Prime Time d’Ornette Coleman, « Tales Of Captain Black » de James Blood Ulmer, Decoding Society (Ronald « Shannon » Jackson), Defunkt (Joseph Bowie), les débuts de Julius Hemphill, Charles Bob Shaw… Une petite anecdote: à propos des groupes figurant dans la liste de Nurse With Wound mentionné précédemment, et dans la cadre de la réédition en vinyle de « Chance Meeting…« , Steven Stapleton a enregistré une face inédite consistant à lire leurs noms (de manière travaillée quant au mix) avant de terminer par ces mots : « All these bands are completely SHIT« . À chacun de voir… Personnellement, je m’en retourne écouter ET CETERA et mon exemplaire usé d’Alcatraz.
PHILIPPE ROBERT