AS/IF/WHEN

Z’EV

SUB ROSA SR 275

Distribution : Orkhêstra

CD

Le percussionniste américain Z’EV est catalogué « industriel » depuis qu’un numéro spécial de la revue Re/Search, intitulé « Industrial Culture Handbook » et dédié à cette musique au début des années quatre-vingts, lui a consacré quelques pages essentielles aux côtés de Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle, Boyd Rice (de Non) et Mark Pauline (de Survival Research Laboratories). Z’EV lui-même apprécie l’ironie, qui se sent plutôt « industrieux« , ce que l’on peut aisément mettre en perspective avec son travail, quand on sait qu’il forge ses propres instruments (il a aussi joué de l’orgue, etc.). « As / If / When » regroupe deux pièces de 1978 et 1982 dans la version vinyle (une troisième en CD), la seconde, « If« , synthétisant tout l’art de Z’EV avec son final ressemblant à une pluie de sons rebondis proches des gamelans balinais. Partout ailleurs sur ce disque, ressort l’impression d’entendre l’improvisateur Paul Lytton farfouiller à l’intérieur de sa valise amplifiée, à la recherche de quelque objet perdu dans un amoncellement de percussions diverses et autres chaînes au son métallique. Selon Z’EV, au cours de ces performances captées en public, les grondements métalliques que l’on y entend évoquer le tonnerre doivent être associés à l’idée de renaissance, qu’il relie à un hexagramme du I-Ching selon lequel il appartient à la musique de construire un pont vers l’inconnu, l’inouï. À l’instar du musicien contemporain Paul Panhuysen, dont l’œuvre s’est échafaudée in situ à partir de longues cordes en métal, Z’EV aime voir ce qu’il entend et réciproquement, ce à quoi il se plie, fort de connaissances pointues en matière de musiques ethniques. Chaînes, gongs, ressorts et tonneaux – entre autres – sont ainsi utilisés, notamment pour leur côté massif, et ont été mis au service d’Andrew McKenzie (Hafler Trio), David Jackman (Organum) ou même Glenn Branca, en pleine no wave. Acier et titane constituent des matières premières fréquemment sollicitées, choisies en fonction de leurs résonances, étant entendu que celles-ci n’existent qu’en fonction d’un lieu, voire de l’interaction d’un public. Chaque disque de Z’EV représente tout à la fois une invocation (l’appel de forces supérieures est battu) et sa restitution sous forme d’évocation de ce qui a été perçu par le « médium » Z’EV dans un état de concentration proche de la transe (Z’EV s’intéresse de près au chamanisme). En naît une expérience complexe des phénomènes acoustiques liés aux frappes et aux résonances, la réalisation des instruments de Z’EV étant guidée par ces principes de base auxquels il s’est toujours tenu.

PHILIPPE ROBERT

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