LA GORILLE
TERNOY / CRUZ / ORINS
CIRCUM COLLECTION MICRODICI
CD
Bruitiste, post-rock, psychédélique, pop expérimentale ou jazz hardcore, le trio brouille les pistes et essaye de nous emmener là où on ne s’y attend pas. Fender pour TERNOY, guitare basique pour CRUZ, batterie pour ORINS, les trois musiciens jouent (en live) sur le volume et l’énergie du rock mais ne s’en contentent pas. D’autres influences – de Stravinsky à Sonic Youth – ouvrent à de multiples propositions. Le trio canalise le moins possible les courants afin de court-circuiter des musiques trop blettes. Il souffle sur leurs nuages illusoires et s’inscrit en faux contre leurs états de services cosmétiques.
Face aux ravages de la répétition, TERNOY, CRUZ et ORINS cherchent des pulsions, même si parfois leur musique manque de ressort ou à l’inverse croule sous un poids d’arrogance. Mais quand un écrou saute dans leur machine et l’enraye, les musiciens la forcent encore un peu jusqu’à ce que ses rouages claquent. La question de tenue ne se pose même plus. Se quitte le réglé. Il faut que ça passe. Mais il arrive que ça casse et dégénère dans une sorte de sophistication alambiquée non exonérée d’un immuable passé de l’expérimentation pour l’expérimentation. Si bien que certaines plages tournent en rond et pas forcément rond. Le trio s’enfonce dans des sortes d’accidents. Il s’enterre à force de vouloir tuer la musique toute faite. L’ambition est là. Mais sa réalisation laisse perplexe. On risque de lancer des pierres aux musiciens. Ils les sculptent eux-mêmes en se débattant dans les heurts de leur chaos. Parfois cependant tout s’allège. Lorsque les créateurs ne jouent plus les masochistes, les sacrilèges.
Quand ils se laissent porter par une inspiration capitale. Celle qui se remémore que la musique doit rester populaire. À trop l’oublier le remède peut sembler pire que le mal. Même pour l’auditeur qui vient chercher dans “La Gorille” une réponse à l’inamovibilité musicale infuse. Restent de chouettes moments et de beaux sauts de l’ange. Il faut donc saluer le risque que les trois musiciens – que l’on retrouve dans les différents collectifs – prennent. Demeure chez eux le désir constant de retravailler une matière sonore dans laquelle disparaît l’identité des instruments pour les porter vers une autre dimension.
JEAN-PAUL GAVARD-PERRET