CHANSONS JAMAIS ENTENDUES À LA RADIO
COMPILATION
MUSEA – GAZUL RECORDS LES ZUT-O-PISTES GA8630
CD
Délaissant un temps les vedettes de sa génération (Damia, Fréhel, Dranem, Georgius, etc.), Dominique Grimaud s’en est allé fouiller du côté des modernes. Tout heureux de son bain de jouvence et des résultats de ses prospections, il en est revenu les mains pleines de pépites qu’il s’empresse de partager avec nous. Ce florilège est constitué pour moitié de titres inédits (car précieusement serrés dans les cartons de leurs auteurs), avec en complément des extraits d’albums encore trouvables, pour peu que l’on fasse un tout petit effort pour les dénicher. Quels sont les participants à cette première sélection (qui appelle une suite !) ? Albert Marcœur, Joseph Racaille (en duo avec Virginie Michaud – les aphorismes étant empruntés à Marcel Duchamp), Étron Fou Leloublan, Ferdinand Richard, Toupidek Limonade, Klimperei, David Fenech, Frédéric Le Junter ainsi que François Billard (placé sous la coupe des arrangements de Patrick Portella), soit un assortiment de contrevenants pour le moins prometteur – et qui tient ses promesses. Chacun développe ses spécificités : miniatures plutôt gauloises, chansons d’amour (voire pleines d’humour, si la gouaille des vocalistes y met les doigts), polyphonies médiévales apocryphes et comptines folkloriques contemporaines, bricolages approximatifs et n’importe quoi délectables. Outre des textes qui valent le coup (nous sommes à des années-lumière du supposé courant “nouvelle chanson française” dont la plupart des interprètes incarnent parfaitement l’interchangeabilité), les aspects musicaux sont aussi consistants (à ce propos, je ne peux résister au plaisir de citer l’une des tirades d’Albert Marcœur – Ô combien vérifiée ! – : “Dans la chanson, y a beaucoup d’chant, pas beaucoup d’son”, extraite de “L’Intruse”, titre commis sur l’album “L’Apostrophe”). Nous avons donc de quoi asticoter nos comprenettes, ainsi que notre ouïe – si ce n’est le corps, car les danseurs invétérés parmi nous se reconnaîtront. Le programme restreint proposé ici incite à réécouter les albums originaux (voire les discographies des cidevants) dans leurs intégralités, ce qui à l’heure de la pratique du “yaourt” international est plutôt tout indiqué. La seule réserve tient en ce que les filles ne se bousculent pas à bord – une défection qui nous conduit à formuler deux hypothèses : soit Barbe-Bleue Grimaud les a presque toutes gardées pour lui, soit il nous mitonne un ghetto spécial où elles prendront toutes leurs aises.
PAUL-YVES BOURAND